Le Nouveau Ghetto (1894) de Théodore Herzl
On n’attache peu d’importance à la carrière dramatique de Théodore Herzl. Pourtant, Herzl fut un auteur prolifique ayant écrit seize pièces de théâtre. Parmi elles, Le Nouveau Ghetto, (1894), est une pièce cruciale qui a conduit Herzl à devenir le leader sioniste que l’on connait.
Herzl avoue à son ami Arthur Schnitzler avoir écrit Le Nouveau Ghetto en trois semaines, « Dans un état de délire et d’exaltation… ». Or ces trois semaines influencent fortement Herzl. Un an AVANT la dégradation d’Alfred Dreyfus, l’intrigue qu’il conçoit presque malgré lui l’amène à comprendre l’impasse dans laquelle se trouvent les Juifs de Diaspora.
Mais l’intérêt du Nouveau Ghetto n’est pas seulement dans le fait qu’il annonce le sionisme de Herzl. C’est également une étude sociologique des Juifs de Vienne à la fin du 19e siècle. Sans avoir recours à des essais scientifiques, les élèves peuvent en lisant Le Nouveau Ghetto reconstituer le mode de vie des Juifs viennois à la fin du siècle.
Herzl a construit la pièce de telle façon que toutes les couches socio-culturelles de la population juive viennoise se retrouvent sur scène.
Herzl a construit la pièce de telle façon que toutes les couches socio-culturelles de la population juive viennoise se retrouvent sur scène. On y découvre un rabbin qui regrette le temps des ghettos où les Juifs étaient à l’abri de l’assimilation. On voit un riche banquier qui aspire à vivre comme un aristocrate. On s’attache à un parvenu qui souffre de sa judéité. On rencontre des petits boutiquiers qui parlent avec l’accent yiddish. Et on suit le parcours du personnage principal, un avocat, l’alter ego de Herzl, humaniste et généreux amené à se battre en duel contre un officier autrichien, et à en mourir.
Cet éventail de personnages, évoluant au milieu de personnages non-juifs, antisémites, ou choisissant d’adhérer à un parti antisémite pour favoriser leur carrière, est la reconstitution de la société de Herzl. A travers ses personnages juifs, Herzl décrit les différents degrés d’assimilation.
Cet éventail de personnages, évoluant au milieu de personnages non-juifs, antisémites, ou choisissant d’adhérer à un parti antisémite pour favoriser leur carrière, est la reconstitution de la société de Herzl. A travers ses personnages juifs, Herzl décrit les différents degrés d’assimilation. Si le rabbin est par définition le moins assimilé, le riche banquier et le parvenu cherchent, sans vraiment y réussir à singer la haute société. Malgré sa richesse, le parvenu qui entre dans un restaurant chic entend les réflexions antisémites derrière lui. Et l’avocat, qui vole au secours de mineurs risquant d’être enterrés vifs dans la mine où ils travaillent, est accusé de se mêler de ce qu’il ne le regarde pas.
Se réfugier dans un ghetto spirituel ou au contraire s’assimiler conduisent l’un et l’autre, selon Herzl, à un l’échec. Quel que soit leur degré d’assimilation, les Juifs ressentent tous une sorte d’écran invisible qui les met à l’écart de la société. Le Nouveau Ghetto est une pièce forte qui remet en cause la présence des Juifs en Diaspora.